5 questions à une architecte: son rôle, les coûts, le contrat, etc.

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Il y a quelques semaines, on a publié notre Guide de construction 101. On a reçu plusieurs courriels de gens qui nous remercient, qui nous racontent leur histoire et parfois même, des courriels de gens qui bonifient l’information.

Je trouve ça extraordinaire que des gens prennent le temps de nous écrire.

C’est ce qui m’a mis en contact avec une architecte de Montréal, à qui j’ai pu poser quelques questions et bonifier certaines informations qui, on l’espère, sauront vous guider.

1- Jusqu’où va le rôle de l’architecte?

« Beaucoup de gens pensent qu’un architecte ne fait que dessiner les plans! » me dit Émilie Julien, architecte, avec qui j’ai discuté au téléphone. 

Le rôle de l'architecte est également d'accompagner le client dans toutes ses démarches. Par exemple, l'architecte peut se renseigner directement à la ville afin d'obtenir la réglementation, il est davantage en mesure de la déchiffrer et c'est lui qui devra s'assurer de la conformité de toute façon. 

L'architecte peut préparer la documentation pour le CCU (Comité consultatif en urbanisme). Ensuite, l'architecte peut s'occuper de la gestion de l'appel d'offres auprès des entrepreneurs. Pendant cette période, c'est l'architecte qui répond aux questions des entrepreneurs et qui fait une recommandation au client en comparant les estimations reçues. 

Enfin, l'architecte peut aussi avoir le mandat de la surveillance de chantier afin de s'assurer que la construction respecte les dessins. 

Bref, le travail de l'architecte ne se résume pas nécessairement à dessiner des plans, c'est un professionnel qui peut vraiment accompagner le client tout au long du processus de conception et de construction et enlever un stress important.  

2- Est-ce que l’architecte a les compétences pour faire les estimations de coûts?

Dans le guide, j’écris:

La vérité, c’est que les architectes, dessinateurs et technologues n’ont aucune idée de combien elle va coûter, ta future maison. Les plans qu’ils créent vont répondre à tes demandes, ça il n’y a aucun doute. Mais comme c’est pas leur job de la soumissionner ni construire, c’est très difficile pour eux d’avoir une idée de la valeur et donc de respecter ton budget. On les blâme pas, c’est normal, ce n’est pas leur travail de savoir combien ça coûtera au final.

Émilie m’explique leur réalité. 

« L'estimation du coût des travaux n'est pas obligatoire, mais devrait quant à moi être incluse dans le contrat afin de justement éviter le type d'erreur que tu mentionnes (budget du client 200k, estimation de l’entrepreneur, 600k). Évidemment, il s'agit d'un service additionnel, mais il permet d'éviter beaucoup de surprise. L'architecte a les compétences pour faire des estimations de coût. Ce ne sera certainement pas aussi précis que les estimations finales des entrepreneurs, mais ça permet de rester près de l'objectif! »

Tout comme c’est le cas lorsque l’entrepreneur fait la soumission, le moins d'informations qu'on donne à l'architecte, le moins il peut concevoir un projet qui répond aux besoins budgétaires.

3- Faut-il vraiment signer un contrat?

Ça fait peur, un contrat de 16 pages! Mais les gens doivent comprendre que le contrat est là pour protéger les 2 parties.

Avant de débuter avec ton architecte, il faut signer un contrat, mais beaucoup s’entendent à l’amiable. Ce qui occasionne parfois des frictions plus tard dans le projet. Qu’est-ce qui est inclus? Qu’est-ce qui ne l’est pas? Quels sont mes recours? Est-ce que je peux me retirer du projet?

Comme l’APCHQ propose un modèle de contrat entre le client et l’entrepreneur, des associations (IRAC, AAPPQ) offrent aussi des modèles de contrat entre l’architecte et le client, approuvés par l’Ordre des architectes du Québec. 

Est-ce que le contrat protège le client des dépassement de coûts?

Émilie m’explique:

« Dans ton guide, tu écris que les architectes ne sont pas à blâmer pour un dépassement de coût sur l'estimation des travaux. Oui et non. Selon le contrat, l'architecte peut prendre une certaine responsabilité en faisant un suivi budgétaire tout au long de l’élaboration du projet. Par exemple, dans la formule normalisée de contrat de services d’architecture proposée par l’IRAC, il y a une clause sur laquelle les deux parties peuvent s’entendre pour éviter un dépassement de coût. »

Des détails sur cette clause

La clause qui indique que lorsque la soumission la plus basse reçue par l’entrepreneur dépasse la dernière estimation de l'architecte, que le dépassement n'est pas dû à des conditions de marché exceptionnelles et que le client ne veut ni réviser son budget ni abandonner son projet, 2 options sont possibles: 

  • Si la différence est supérieure à 15% (ou tout autre pourcentage entendu entre les deux parties), à la demande du client, l'architecte révisera les documents contractuels et préparera un nouvel appel d'offres sans rémunération additionnelle 

  • Si la différence n'est pas supérieure à 15%, il est généralement possible d'apporter des modifications au projet et de négocier un prix acceptable avec le plus bas soumissionnaire

Source: MCPA:Manuel canadien de pratique de l'architecture, deuxième édition, Institut royal d'architecture du Canada (IRAC), 2009.

Ce qu’il faut en retenir: l’importance de signer un contrat, valider les clauses concernant le respect de ton budget, être clair avec ton architecte dès le départ concernant ton budget et être à l’écoute des options qu’il te propose pour le respecter.

4 - Combien ça coûte un architecte?

LA fameuse question.

Le coût varie beaucoup selon le type de résidence, la superficie, les besoins du client, le niveau de complexité, le niveau de détails requis, etc.

Service de base: environ 5% de la valeur du projet

Souvent, ça va inclure les plans des étages, élévations extérieures, coupe générale et coupe de mur pour illustrer les détails de construction typiques, mais évidemment ça varie beaucoup d’un professionnel à l’autre. Ce sont les informations de base qu’un entrepreneur général du milieu résidentiel aura besoin pour réaliser le projet. 

Dans ce cas, le client choisira lui-même les revêtements, les informations aux plans seront plus génériques. À ce prix-là, il est plus rare qu’un architecte fasse le suivi des estimations, participe au processus d’appel d’offres ou qu’il fasse la surveillance de chantier.

Service clé en main: environ 10-15% de la valeur du projet

L’architecte s’occupe de tout. 

Le client est accompagné tout au long du processus. Ça peut aller du choix du terrain, à la préparation de documents pour la ville, à l’élaboration de l’appel d’offres, à la surveillance de chantier, jusqu’à l’élaboration d’un manuel d’entretien et d’exploitation des équipements, etc. 

Les plans, quant à eux, sont beaucoup plus élaborés. Tout est réfléchi: la dimension des tuiles de céramique et leur alignement, aux éléments d’ébénisterie, de plomberie, la couleur des murs, les poignées de porte, etc. Tout a été choisi et est prêt à être réalisé par l’entrepreneur!

Bref, il y a un architecte pour tous les besoins et tous les budgets!

5-  Est-ce que l’architecte peut gérer les soumissions d’entrepreneurs?

Oui! L’architecte peut s’occuper de faire soumissionner et de recevoir les soumissions des entrepreneurs généraux. 

L’architecte va découvrir les soumissions avec son client et il va s’occuper de comparer les soumissions, de poser les questions aux entrepreneurs, afin que le client ait les justes prix au final.

Dans notre guide, j’explique que les soumissions diffèrent beaucoup d’un entrepreneur à l’autre. Par exemple, l’un va inclure le déboisement et l’excavation, l’autre non. L’un va mettre une allocation de cuisine à 15 000$, l’autre 30 000$. Ainsi, un client peut se retrouver avec de grands écarts entre ses soumissions, sans que le prix final diffère autant, quand on compare des pommes avec des pommes!

La comparaison des soumissions devient donc extrêmement lourde et compliquée.

Ce service, me dit Émilie, n’est pas nécessairement très coûteux, mais il apporte une grosse plus-value pour le client. À considérer lors de ton prochain projet!